Le 1er octobre, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA en anglais) a fait un retour sur la consultation de l’EFRAG relatif à la proposition de normes ESRS révisées.
Voici quelques points clés sur la position de l’AEMF :
Principe de présentation fidèle
L’AEMF approuve la proposition d’inclusion du principe de présentation fidèle et note que l’introduction d’une référence explicite à ce principe met l’accent sur le rôle des caractéristiques qualitatives des informations et obligerait les préparateurs à évaluer si les informations fournies dans l’état de durabilité sont globalement appropriées pour donner une image fidèle des IRO matériels liés à la durabilité de l’entreprise, ainsi que de la manière dont elles sont évaluées et gérées.
Du point de vue de la protection des investisseurs, un cadre qui sert mieux les investisseurs et les autres utilisateurs des états de durabilité est préférable à un cadre qui n’inclut pas cette caractéristique ou, pire encore, laisse planer une ambiguïté quant à sa nature.
Cette évaluation et les procédures d’assurance associées garantiraient en outre que l’état de durabilité se concentre sur les informations matérielles. D’un point de vue pratique, la même approche est courante dans le domaine de l’information financière.
Le fait que les ESRS Set 1 exigent des entreprises qu’elles se conforment à tous les éléments du principe de présentation fidèle sans expliciter ce principe a entraîné des divergences et des incertitudes au sein de l’UE quant à son application et, en particulier, quant à l’assurance des informations qui en résultent.
Agrégation des informations au niveau thématique versus au niveau des IRO
L’AEMF s’inquiète du fait que, dans plusieurs cas, le projet simplifié propose de modifier l’orientation des informations publiées, passant des impacts, risques et opportunités (IRO) aux enjeux de durabilité liés à ces IRO.
L’AEMF constate une importante divergence [lors de la première vague de reporting de 2024] quant au niveau d’information fourni par les entreprises : certaines se concentrent sur une liste détaillée d’IRO dans l’état de durabilité, tandis que d’autres restent à un niveau d’agrégation plus élevé, c’est-à-dire au niveau thématique/sous-sous-thématique ou sur les enjeux de durabilité.
L’AEMF souligne que les informations sur les IRO liées à la durabilité sont au cœur de la législation européenne.
L’objectif de l’état de durabilité n’est pas de rendre compte d’un enjeu de durabilité lié aux IRO matériels, mais plutôt de fournir des informations matérielles sur les IRO matériels qui concernent différents domaines thématiques. Les enjeux de durabilité ne constituant pas un substitut parfait aux IRO, les ESRS devraient préciser que toute agrégation des IRO ne doit pas obscurcir les informations relatives à la gestion des IRO matériels et à leurs modalités.
L’AEMF note que les ESRS devraient préciser clairement, dans l’ensemble du texte, que, conformément à la CSRD, les informations fournies doivent permettre de comprendre les IRO liés aux enjeux de durabilité et la manière dont une entreprise les gère.
Synthèse et annexes
L’idée que les entreprises publient un texte introductif concis afin de fournir aux utilisateurs un résumé objectif des principaux aspects présentés dans les états de durabilité est tout à fait pertinente. Cependant, l’AEMF estime que l’inclusion d’une synthèse, même facultative, nécessiterait des orientations afin de garantir que les informations fournies dans cette synthèse soient élaborées selon une logique cohérente entre les entreprises.
Les ESRS devrait préciser clairement que l’utilisation d’annexes est principalement prévue pour toute information non matérielle ou pour les informations requises par d’autres lois et réglementations.
Références aux exigences de publication ESRS dans l’état de durabilité
Il devrait être obligatoire d’inclure une référence aux exigences de publication abordées dans le texte de l’état de durabilité, et pas seulement dans les tables de contenu/index.
Plusieurs options pourraient être envisagées, par exemple dans le titre, les sous-titres ou le texte même des paragraphes.
Ce niveau de clarté permettrait d’atteindre un meilleur équilibre entre une structure plus souple et la comparabilité/lisibilité de l’état de durabilité.
Évaluation des impacts bruts versus nets
L’AEMF estime que l’EFRAG devrait définir clairement un principe fondamental basé sur l’approche brute et traiter les éventuelles exceptions et les aspects d’application au moyen de lignes directrices spécifiques.
Effets financiers des risques et opportunités liés à la durabilité
L’EFRAG a mené une consultation sur deux options concernant la publication des effets financiers :
- L’option 1 exige la publication d’informations qualitatives et quantitatives, mais autorise l’omission d’informations quantitatives sous certaines conditions.
- L’option 2 limite l’exigence aux seules informations qualitatives, avec la possibilité de communiquer des informations quantitatives sur une base volontaire.
L’AEMF ne soutient pas l’option 2, qui s’écarte des exigences de la norme IFRS S1 et priverait les investisseurs et autres parties prenantes d’informations matérielles sur la capacité actuelle et future d’une entreprise à faire face aux risques liés à la durabilité, avec des implications pour sa stratégie et son modèle économique, augmentant ainsi l’incertitude pour les investisseurs et le coût du capital pour les entreprises.
L’AEMF approuve la première option visant à améliorer la publication d’informations sur les effets financiers anticipés (c’est-à-dire la publication d’informations quantitatives, sauf si des conditions spécifiques sont remplies), en raison de l’importance cruciale de ces informations dans la prise de décision des investisseurs.
En outre, l’AEMF recommande d’inclure dans la norme des orientations sur le calcul des effets financiers actuels. Il convient de préciser dans les exigences d’application que les effets financiers actuels doivent être déterminés en tenant compte des mesures d’atténuation mises en œuvre (sur une base « nette »).
L’AEMF note également que l’option 2 serait contraire à la nécessité, conformément au mandat confié par la Commission à l’EFRAG, de renforcer plutôt que de compromettre l’interopérabilité avec les normes internationales, notamment, en l’occurrence, les normes ISSB.
L’AEMF reconnaît que la publication des effets financiers anticipés, telle qu’elle est actuellement requise dans les ESRS Set 1 (c’est-à-dire les informations quantitatives), peut poser des difficultés pratiques, notamment pour des enjeux autres que le changement climatique.
La préparation de ces informations pouvant être complexe et impliquer des évaluations spécifiques, l’AEMF souligne que ces informations bénéficient déjà de dispositions transitoires, dont le champ d’application a été étendu par l’acte délégué « Quick-fix » récemment adopté.
Ce délai supplémentaire sert de délai de préparation aux entreprises et l’AEMF estime que, si nécessaire, ces dispositions transitoires pourraient être étendues dans un délai raisonnable à des enjeux autres que le changement climatique.
De l’avis de l’AEMF, cette solution serait plus équilibrée que de prévoir uniquement des informations qualitatives sur les effets financiers.
De plus, plusieurs allègements concernant les coûts et efforts excessifs et l’incertitude de mesure s’appliquent à cette publication.
Enfin, l’AEMF souligne que les informations sur les effets financiers anticipés constituent des informations cruciales, notamment pour les principaux utilisateurs des rapports financiers. C’est également la raison pour laquelle ces informations étaient initialement prévues dans les recommandations du TCFD, dont la première publication remonte à 2017.
Allègement en cas de coûts ou d’efforts excessifs
L’AEMF désapprouve les allègements proposés dans leur version actuelle, car ils sont illimités dans le temps, affectent les activités propres et n’encouragent pas l’amélioration des informations publiées au fil du temps.
Les ESRS devraient favoriser une courbe d’apprentissage, au cours de laquelle l’infrastructure de données est construite et d’autres processus et contrôles internes sont mis en place, sans compromettre la qualité du reporting en matière de durabilité à long terme.
L’AEMF note que l’allègement proposé découragerait les entreprises de mettre en place l’infrastructure de données nécessaire au sein de leurs propres activités, inciterait à la structuration des opportunités et découragerait les entreprises de tout mettre en œuvre pour améliorer leurs informations publiées au fil du temps.
L’AEMF ne soutient donc pas cet allègement proposé, mais souligne l’importance pour l’EFRAG d’identifier des allègements plus ciblés et limités dans le temps afin de garantir que tout manque d’informations n’affecte pas les utilisateurs des états de durabilité pendant une période prolongée.
Le retour complet de l’AEMF est disponible ici : https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/2025-10/ESMA32-846262651-5289_ESRS_revision_ESMA_response_to_EFRAG_consultation.pdf